Livre / "Dieu est un pote à moi" de Cyril Massarotto
DIEU EST UN POTE A MOI
de Cyril Massarotto
XO éditions – 2008
Editions France Loisirs - 2013
244 pages
Dans le cadre de notre rubrique "conseil de lecture - adultes", voici un livre à ne pas manquer.
Présenter "Dieu est un pote à moi" sur le blog d'un école primaire laïque pourrait a priori paraître incongru. Pourtant, derrière ce titre et derrière l'argument de base de cette histoire, se cache tout autre chose.
Les adjectifs pour qualifier ce roman ne manquent pas : magnifique, bouleversant, drôle, émouvant, spirituel (au sens propre et au sens figuré), philosophique, surprenant, libre (dans le ton et la pensée), irrévérencieux,… bref un roman formidable.
Déjà, l’idée de base séduit et donne envie de poursuivre la lecture : un jour, un jeune vendeur presque blasé, travaillant dans une petite boutique nocturne, voit un type nommé Dieu, et que lui seul peut voir et côtoyer, venir à sa rencontre pour le choisir et devenir son confident, puis établir ainsi avec lui un dialogue régulier tout au long de sa vie. Dieu devient quasiment son ami, un compagnon de vie complètement différent de ce que tout un chacun imagine de Dieu. Celui-ci est questionneur et farceur, voire provocant, utilise un langage commun voire parfois peu châtié. D’où l’idée que « Dieu est un pote à moi ». Cette situation hors du commun donne lieu à des moments très cocasses où il est difficile de ne pas lâcher un éclat de rire, même quand on est seul chez soi.
Et ainsi nous voilà partis dans la vie de notre narrateur depuis sa rencontre avec Dieu jusqu’au moment final du roman dont on ne parlera pas ici pour maintenir l’intérêt de cette fin originale et très forte, émotionnellement parlant.
On se croirait parfois dans un de ces films italiens des années 70-80 où la drôlerie et le rire éclatent sur un fil étroit qui les relient directement au drame et à l’émotion pure. La légèreté s’y accouple avec les grandes questions existentielles sur la vie. Et, l’air de rien, sans presque s’en rendre compte, chacun peut croiser un peu de ses propres questionnements sur le sens de son existence.
On pense lire (et écouter) un narrateur en train de raconter sa vie et son dialogue très spécial avec un type appelé Dieu, le tout d’une humeur badine, presque détachée, et d’un coup, on tombe sur un petit (ou un grand) quelque chose de soi, sur une interrogation, sur une de nos questions sans réponse.
Le style littéraire de Cyril Massarotto accroche très vite le lecteur, comme si celui-ci était spectateur d’une vie qui n’est pas la sienne, mais qui lui ressemble étonnamment, et donc peut s’y intéresser.
Derrière l’argument de la vie d’un type ordinaire, tout y passe : l’amour bien sûr, le couple, les enfants, le travail, la mort, le bonheur, l’éducation,…
Il ne s’agit absolument pas d’un traité de sciences humaines, mais certains aspects du roman peuvent en apprendre autant, dans un récit qu’il est difficile de lâcher à partir du moment où on y a posé les yeux. Au-delà de la croyance en un dieu ou pas, ce n'est pas la question du roman. Le sujet est l'humain et ce qu'il fait de sa vie, ses choix et ses non-choix, ses décisions et ses doutes, le tout sur un ton faussement léger, souvent drôle voire hilarant, puis d'un coup sombre et envoûtant.
Une superbe réussite littéraire.
Cyril Massarotto
Extraits
Page 13
- Alors voici deux autres choses de plus à retenir pour toi : Savoir numéro Deux, il n’y a q’un Dieu, c’est moi. Savoir numéro Trois, tout ce qui a trait aux Hommes, c’est moi, donc je peux tout me permettre. L’humour, c’est moi, la poésie, c’est moi, la vulgarité aussi c’est moi, la littérature c’est moi, la musique c’est moi, l’humour c’est moi…
- La modestie, c’est quelqu’un d’autre apparemment…
Page 22
Plus jeune, il n’aimait pas les études, alors il a voulu s’engager dans l’armée, je ne vois pas trop la logique, mais bon…
Page 25
(…) un mec seul, plus de famille, pas vraiment d’amis, qui plaît aux filles mais qui n’a jamais su en garder une, un mec qui ne sert à rien finalement.
Page 33
(…) Si la première fois qu’on s’est vus j’avais sonné à la porte habillé en monsieur tout-le-monde, tu aurais eu du mal à croire que j’étais Dieu, non ? Alors j’ai utilisé les nuages, la grande barbe blanche et tout le toutim. Et l’éclair pour faire classe.
Page 37
J’ai horreur des rêves, bons ou mauvais. Un rêve, c’est de la vie qu’on nous vole. On ne peut rien contrôler, on ne comprend jamais ce qui se passe, et après on se pose des questions pendant des heures. Ça peut même vous gâcher la journée.
Page 61
(…) Le destin est un terme qui n’existe que parce que les Hommes croient. Vous vous êtes rencontrés donc c’était votre destin, et non pas parce que c’était votre destin (…) Pour faire court, le destin est un synonyme du mot « réalité ». Dire « C’était mon destin » revient à dire « ça m’est arrivé », tout le reste n’est que croyance ou superstition, c’est la même chose.
Page 85
Je crois que tous les somnifères que l’on avale lorsqu’on est adulte, ce sont toutes les berceuses que l’on ne nous a pas chantées quand on était enfant.
Page 92
Tu imagines si je ressentais comme toi le temps qui passe ? Je deviendrais fou, puisque je suis potentiellement éternel.
Page 106
Ce que je veux te faire comprendre, c’est qu’il faut vivre juste, prendre les choses comme elles viennent. Le bonheur n’est pas un projet. Sois-en bien conscient. Vis, et ne t’encombre pas l’esprit de questions inutiles.
Page 142
Autre aberration : ce que les gens prennent pour du courage, c’est juste ne pas avoir le choix.
Page 191
Peut-être que le plus important n’est pas l’amour, mais la personne qui nous apprend à aimer.
Cyril Massarotto
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