HISTOIRE D'UNE OEUVRE / "La Liberté guidant le peuple" d'Eugène Delacroix
La Liberté guidant le peuple (1830)
Tableau d’Eugène Delacroix (1798-1863)
C’est l’un des tableaux les plus célèbres de la peinture française, un symbole de l’idée de rébellion autant dans l’histoire de l’art que dans la pensée politique. Une opposition franche contre les injustices sociales, contre l’oppression d’un pouvoir méprisant le peuple.
Le thème du tableau est l’insurrection populaire parisienne de juillet 1830 qui mit un terme au pouvoir du roi bourbon Charles X pour le remplacer par Louis –Philippe, duc d’Orléans.
Ce tableau fut présenté au Salon de 1831 où il fit sensation.
En effet, dans une France monarchique, sur cette toile sont représentés les républicains perçant les barricades le 28 juillet.
La puissance du tableau est renforcée par la composition en forme de pyramide ascendante en haut de laquelle domine cette femme à la poitrine dénudée tenant le drapeau tricolore. Elle représente la Liberté soutenue à la base par des figures humaines nombreuses et armées.
Cette composition rappelle celle du Radeau de la Méduse, autre grand tableau de cette époque peint par Théodore Géricault en 1819.
Eugène Delacroix dira de sa toile : « J’ai entrepris de traiter un sujet moderne : une barricade. Et bien que je n’aie pas combattu pour mon pays, j’ai au moins peint pour lui. »
On peut voir à la droite de la Femme-Liberté, un poulbot (petit gamin de Paris) qui agite ses pistolets. A sa gauche, on aperçoit un bourgeois coiffé d’un chapeau qui apparaît comme un autoportrait de Delacroix. Ces deux personnages sont suivis d’ouvriers d’usine (il faut rappeler que ce siècle est celui de la Révolution Industrielle), de soldats et d’étudiants. Cela ancre davantage encore le tableau dans le contexte historique de sa création. De plus, Paris y est représenté par la cathédrale Notre-Dame au fond à droite.
En opposition au traitement moderne des personnages et du décor, la Liberté et sa silhouette monumentale rappellent une tradition classique de la peinture.
On peut noter des poils sous les aisselles de la femme au drapeau. Cela choqua des spectateurs à l’époque de la présentation du tableau au public.
Pour ce qui est du drapeau, on peut noter que le rouge est troué ce qui lui donne une tonalité vibrante. Les trois couleurs primaires qui composent le drapeau sont reprises de façon saisissante sur les vêtements de l’ouvrier qui se prosterne à ses pieds. Delacroix aimait rapprocher certains tons ou faire écho avec les couleurs pour amplifier le message et donner plus de force à l’atmosphère de la toile.
Pour ce qui du ciel, il est voilé par les fumées lumineuses qui rappellent les coups de feu, le chaos et le champ de bataille de la guérilla urbaine. Delacroix transmet ces émotions en croisant des techniques de peinture expressives du romantisme et une observation précise des détails. Ainsi il touche le spectateur tout en restant fidèle à la réalité historique.
Le pied de la Femme-Liberté n’est pas posé là par hasard. Il correspond à un moment essentiel de cette bataille urbaine. C’est le moment où la barricade cède définitivement, entraînant un basculement de l’histoire avec un changement de roi à venir. On note l’ourlet qui tourbillonne au-dessus du pied, créant ainsi la sensation du mouvement inéluctable de l’histoire.
Ce qui apparaît également dans ce tableau, c’est le remarquable travail sur l’ombre et la lumière que Delacroix maîtrisait parfaitement. On y voit de forts contrastes qui, ajoutés à l’audace des couleurs, renforcent l’intensité du drame. Cela met d’autant en relief les principaux personnages.
Le roi Louis-Philippe acheta le tableau pour commémorer son accession au pouvoir. Paradoxalement, la toile ne sera pas présentée au public pendant plusieurs années car elle fut considérée comme trop subversive par ce même roi. Toujours avec autant de paradoxe, Delacroix était l’un des peintres favoris de Charles X, le roi déchu par la Révolution représentée sur « La Liberté guidant le peuple ».
En fait Delacroix avaient des amis dans les deux camps et n’afficha pas clairement ses opinions en public, en dehors de ses peintures.
Eugène Delacroix - Autoportrait (1837)
Delacroix a fait ses études entre 1806 et 1815 au lycée impérial de Paris de l’âge de 8 ans à l’âge de 17 ans. Il remporta plusieurs prix de dessin et de lettres classiques.
En 1815, Géricault et lui participèrent à l’atelier de Pierre-Narcisse Guérin. Un an plus tard, Delacroix entre à l’Ecole des Beaux-Arts. C’est en 1822 qu’il présente le tableau « La Barque de Dante », inspiré du Radeau de la Méduse de Géricault. Il s’ensuivra plusieurs toiles qui créeront la controverse comme « Les Massacres de Scio » en 1824 ou « La Mort de Sardanapale » en 1827.
En 1832, il accompagnera une mission diplomatique en Afrique du Nord d’où proviendront ses fameux carnets de voyage intitulés « Voyage au Maroc – Aquarelles ».
Galerie d'images - Carnet d'Afrique du Nord par Eugène Delacroix
En 1838, sa « Médée » fera sensation. La cote de Delacroix montera en flèche et les commandes vont se faire nombreuses.
Son grand rival Ingres lui opposera longtemps l’entrée à l’Institut. Il finira par y être accepté en 1857. C’est en 1862, qu’il sera l’un des cofondateurs de la Société Nationale des Beaux-Arts.
Ses premiers tableaux d’histoire ont été acquis par le musée du Luxembourg.
A l'Assemblée Nationale à Paris, il existe une version contemporaine et stylisée de cette oeuvre, une fresque inspirée de la culture Graffiti réalisée par JonOne, un peintre et graffeur new-yorkais vivant et travaillant à Paris.
Il avait déjà réalisé une fresque pour la Fondation Abbé Pierre sur le mur du square des Deux-Nèthes dans la capitale. Les toiles de JonOne sont des explosions de couleurs. JonOne se définit lui-même comme un "peintre graffiti expressionniste abstrait".
Fresque de JonOne pour la Fondation Abbé Pierre à Paris
La Liberté guidant le peuple - Version Playmobil - par Richard Unglik
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Eugène Delacroix
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