Histoire d'une oeuvre / Joan Miro - "Constellations" - 1939-1941
Joan Miro
"Constellations"
1939-1941
Il s’agit d’un ensemble d’œuvres peintes entre 1939 et 1941.
Même si elles portent toutes un nom différent, ces tableaux ont été regroupés sous l’appellation « Constellations » pour l’exposition de 1945 à la galerie Pierre Matisse de New-York.
Le biographe Jacques Dupin dira de cette exposition : « Par un singulier destin, les Constellations seront les premiers témoignages artistiques à parvenir d'Europe aux États-Unis d'Amérique à la fin de la guerre. L'exposition que Pierre Matisse en a fait en 1945 a été accueillie avec une très grande ferveur. »
Cette série de peintures commence par « La Femme au cerf-volant parmi les constellations ».
Joan Miro l’avait travaillée quand il séjournait chez son ami et collègue Georges Braque. Il l’avait poursuivie en Espagne à Vic et Mont-Roig.
Combien de tableaux composent cette série ? On ne sait pas précisément. On en décompte entre 23 et 30 selon les biographes ou selon la Fondation Miro de Barcelone.
En tous les cas, l’écrivain André Breton s’est appuyé sur 24 de ces œuvres pour l’écriture des poèmes d’un recueil intitulé « Constellations », ouvrage édité par Pierre Matisse en 1959. Ces textes sont illustrés de 24 fac-similés des peintures de Miro.
André Breton commente de cette façon ces fac-similés :
« Dans une heure d'extrême trouble, celle qui couvre de la première à la dernière ses constellations, il semble que, par une tension réflexe au plus pur et à l'inaltérable, Miró ait voulu déployer, dans l'éventail de toutes les séductions, le plein registre de sa voix. N'importe où hors du monde et, de plus, hors du temps, mais pour mieux retenir partout et toujours, jaillit alors cette voix au timbre de si loin discernable, qui s'élève à l'unisson des plus hautes voix inspirées. Pour peu qu'on y songe, du rapport d'une telle œuvre aux circonstances qui l’ont vu naître se dégage le même pathétique que la négation éperdue du chasseur dans le chant d'amour du coq de bruyère. »
Toutes les œuvres de cette série de peinture portent des noms à rallonge aux sonorités poétiques. Miro prenait beaucoup de plaisir à compléter son travail pictural de textes comme « Une goutte de rosée tombant de l’aile d’un oiseau réveille Rosalie endormie à l’ombre d’une toile d’araignée » – 1939 – 65 x 92 cm – The University of Iowa Museum of Art, Mark Ranney Memorial Fund.
Joan Miro - Une goutte de rosée tombant de l’aile d’un oiseau réveille Rosalie endormie à l’ombre d’une toile d’araignée
La plupart des tableaux de la série des Constellations appartiennent désormais à des collectionneurs privés comme la « Femme à la blonde aisselle coiffant sa chevelure à la lueur des étoiles » (1940) – gouache et peinture à l’essence de papier, 38 x 46, collection particulière.
Joan Miro - Femme à la blonde aisselle coiffant sa chevelure à la lueur des étoiles
Ou encore les « Femmes encerclées par un vol d’oiseau » (1941) – peinture sur essence de papier, 40 x 38 cm, collection particulière.
Joan Miro - Femmes encerclées par un vol d'oiseaux
Les plus célèbres constellations peuvent être vues à la Fondation Joan Miro de Barcelone. C’est le cas de « L’Etoile du Matin » (1940) – Tempera, gouache, pastel sur papier - 38 x 46 cm.
Joan Miro - L'étoile du matin
Cette œuvre a été peinte à Vic en Espagne. Joan Miro a parlé de ce travail à Roland Penrose en ces termes : « Une fois terminé mon travail à la peinture à l'huile, j'ai trempé mes pinceaux dans l'essence, et je les ai essuyé sur des feuilles blanches sans idée préconçue. Ce barbouillage m'a mis de bonne humeur et a provoqué la naissance de multiples formes : personnages animaux, étoiles, ciel, lune, soleil(…) »
En mélangeant les matériaux qu’il utilise, le peintre arrive à créer un monde d’une richesse incroyable dont les éléments fourmillent sur un fond gris, bleu, ocre. Cela donne un ensemble vaporeux dans lequel la mine de crayon passe et repasse, tourne dans tous les sens. La ligne prend vie, semble s’emmêler. Elle des tours autour de formes étranges où on croit deviner une animal à quatre pattes avec des crocs et une langue rouge en forme de flèche dont l’extrémité devient noire.
Sur la droite on croit deviner une femme dans la représentation habituelle qu’en fait Miro : une amande entourée de poils. Cette forme possède cinq yeux, ce qui lui permet de regarder dans toutes les directions du tableau. C’est une métaphore pour exprimer l’idée qu’elle contemple tout l’univers.
Un autre de ces tableaux célèbres de la série « Constellations » est exposé à New-York au Metropolitan Museum of Art. Il est intitulé « Vers l’arc-en-ciel » (1941) – Gouache et peinture à l’essence sur papier. Cette toile fut peinte à Mont-Roig en Catalogne.
Elle est paradoxalement très rigoureuse dans un foisonnement au mouvement ordonné comme une horloge. Joan Miro utilise des couleurs pures d’où dominent le bleu outremer, les jaunes, verts, orangés. Même en emploi restreint, ces teintes sont si bien agencées qu’elles donnent une impression de richesse et de puissance.
Posées sur des fonds rose, gris, ocre et piqueté de blanc, un rassemblement de formes diverses semble monter vers le ciel. L’idée d’un chemin vers l’espace est suggérée par deux lignes qui se rejoignent au milieu de l’œuvre sous une sorte de tête noire ornée d’un bandeau bleu en guise d’yeux. D’autres formes se détachent de cette « tête », de couleur noire aussi avec des tâches vertes ou oranges comme un nez et des oreilles. Les yeux-nouilles rappellent que l’artiste était pataphysicien, c’est-à-dire proche des idées exprimées dans le livre d’Alfred Jarry en 1897-1898, « Gestes et Opinions du Docteur Faustroll, pataphysicien », une science des solutions imaginaires cherchant des solutions particulières à ce qui ne se cherche pas, en somme une approche artistique de la science ou, à l'inverse, une approche scientifique de l'art. Une démarche à l’image du personnage de la pièce de théâtre de Robert Flers et Gaston Arman de Caillavet, intitulé « La belle Aventure », qui disait : « Je m’applique volontiers à penser aux choses auxquelles je pense que les autres ne penseront pas. »
Joan Miro - le Carnaval d'Arlequin
Joan Miro - Le Jardin - 1925 - (version sur aluminium)
Vidéo animation - Le jardin de Joan Miro
Autre film d'animation sur l'oeuvre de Joan Miro
Voici d’autres œuvres de Miro dans le même style pictural.
Avant de développer son style de peinture très spécifique et reconnaissable (un aspect du surréalisme), Joan Miro avait peint dans les années 1920 dans un style plus détailliste, presque naïf.
En voici quelques œuvres :
Joan Miro - Village et église de Mont-Roig - 1919
Joan Miro - La Ferme - 1921-1922
Galerie de photos
Coloriages à imprimer
Vidéo sur le travail de Joan Miro
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