Chroniques de la classe-danse contemporaine - 5 au 9 mai 2014 - Classe de CM1-CM2 - M. Marchand
DANSE CONTEMPORAINE
La classe de CM1-CM2 de M. Marchand participe à une classe de danse contemporaine pendant la semaine du 5 au 9 mai 2014.
Julie et Nathalie, deux danseuses professionnelles qui interviennent pour l'association Art Danse, accompagnent les élèves dans leur découverte d'un art que les enfants connaissent peu en général. Valérie, une vidéaste, filme l'ensemble du travail.
"Ce n'est pas de la danse !" s'interroge une élève surprise de prime abord. Puis, après quelques jeux corporels, quelques mouvements individuels et collectifs, cette explication n'est plus de mise.
La classe est entrée pleinement dans ce monde tout neuf, avec un regard affuté sur ces petites choses dont on se soucie peu habituellement, mais qui fabriquent un univers joyeux de sensations corporelles comme des histoires où les mots se transforment en regards, en gestuelle, en mouvement, en sauts et en composition chorégraphiée. Une approche qui rappelle fortement le travail d'atelier théâtre auquel les enfants ont déjà participé.
C'est ce voyage sensitif et artistique que vous lirez dans cette chronique d'une classe de primaire découvrant la danse contemporaine.
Lundi 5 mai 2014
Le rendez-vous est pris à 10h30 à la bibliothèque de Quetigny. "Une danseuse dans la bibliothèque", c'est Julie. AQprès une courte introduction, elle dit aux élèves : "Je vais danser". Et elle danse, se déplace entre les rayonnages de livres. Elle se pose un instant devant les élèves silencieux dont certains la regardent, apparemment sans trop comprendre. Puis elle disparaît d'un coup pour mieux réapparaître par l'intermédiaire de ses mains qui jaillissent d'une étagère entre deux rangées de livres. C'est comme un jeu de cache-cache presque hypnotique que les enfants suivent du regard. Quand elle a disparu, ils la cherchent des yeux. Quelques uns se lèvent pour voir où elle est.
Plus qu'un "spectacle", c'est un questionnement sur une autre façon de danser la vie, de titiller la curiosité, celle des jeunes spectateurs tout comme celle de la danseuse dont le menton se pose au-dessus de bouquins comme pour regarder ce qu'il y a en haut, en transgressant l'interdit dans le jeu de l'art.
Après ce préambule étonnant, c'est le moment de la rencontre, des questions avec des mots, des remarques, des "choses" que les enfants ont vues. De là, sont mis en valeur les éléments de la danse qui parlent du rythme lent ou rapide, les détails, les flashs de l'esprit, le placement du corps, et peut-être aussi un peu le sens, même si la forme et le mouvement parlent plus que les mots d'après.
C'est alors au tour des enfants de se prêter au jeu (car il s'agit bien d'un jeu autant que d'un art). Julie a placé trois livres en triangle sur le sol, un posé debout, ouvert en V, dirigé vers une étagère devant laquelle un livre-objet en forme d'éventail lui fait face, ouvert en V lui aussi, mais à plat, en contact direct avec le sol. Le troisième ouvrage est d'une hauteur très peu importante mais très large. Il ressemble à un corps posé sur le côté.
Cette installation est l'idée de base du jeu des enfants. Les élèves deviendront ces livres et leur donneront vie. Petit à petit se construit une chorégraphie à trois, lente, tranquille puis rapide où les livres deviendront corps. Des livres de chair qui vivent au milieu d'autres livres (des vrais) rangés eux sur les étagères d'une bibliothèque. Nous voilà en plein dans la danse contemporaine. L'esthétique a autant de place que l'idée qui la soutient. Plus personne ne se pose la question de ce qu'est la danse. Elle commence à être vécue pour de vrai. Oui, on peut même danser dans une bibliothèque !
L'après-midi se poursuivra au gymnase des Huches, sur la base de la rencontre avec les livres sur la danse, vus le matin. Après un échauffement collectif fait de marches crescendo et descrescendo du lent au rapide puis du rapide au lent, les enfants se sont attelés à quelques rythmes à huit temps pour la chorégrahie d'un carré qui s'impose finalement à tous comme une évidence, même si on sent qu'il faudra encore du travail pour une harmonie plus complète du groupe.
Ce démarrage dirigé amènera la classe à plonger dans les livres objets du matin. Des éventails où les lettres, les mots sont associés à la photographie d'une gestuelle dansée. Des groupes de 4 ou 5 enfants ont la charge de donner vie par les corps à un mot ou une expression : "Paume", "1 cas",...
Au final, cela donne plusieurs chorégraphies de belle facture. Tout le monde danse, filles et garçons. Sans pratiquement aucune retenue. La confiance entre le groupe et les danseuses est évidente. C'est beau à regarder et à partager. Le temps passe très vite. Il est déjà 15h30. C'est l'heure de retourner à l'école. Mais heureusement il y a demain. Demain est un autre jour de danse et tout le monde en est content.
La galerie-photos du jour
Mardi 6 mai 2014
La matinée commence naturellement par un échauffement, une séance de présentation avec des consignes précises données par les deux danseuses.
S'en suivent une série de jeux qui permettent d'échauffer toutes les parties du corps comme son prénom qu'on écrit dans le vide avec sa main, mais aussi son pied, son coude, sa tête. Une façon douce et amusante de mettre en mouvement les muscles des articulations. Les enfants aiment beaucoup. Ils s'en donnent à coeur joie.
Les enfants écrivent leur prénom avec un pied
L'occupation de l'espace et le mouvement sont aussi deux des composantes de la danse. Dans ce cadre, la classe est séparée en deux groupes (danseurs et spectateurs, à tour de rôle). Les enfants doivent traverser une partie de la salle selon des consignes précises sur le nombre d'appuis utilisés pour se déplacer. C'est un moment créatif et drôle. On peut voir d'étonnantes façons d'avancer, par exemple avec les corps roulant sur eux-mêmes (un seul appui, le corps lui-même)
ou sur un pied et deux mains (trois appuis).
Déplacement sur trois appuis, deux mains et un pied
Les exercices dirigés de la veille sont repris et perfectionnés. On constate un certain progrès pour les enfants, même si le résultat demande encore à être travaillé pour un meilleur rendu.
Tous ces activités ont pour but de donner des possibilités riches et diverses pour les groupes chorégraphiques qui préparent une scène dansée à partir des lettres du livre éventail. Cette création chorégraphique a commencé la veille. Nathalie et Julie s'attellent à accompagner et aider chacun des six groupes tandis que Valérie, la vidéaste, les filme un à un pour le film de la semaine.
La matinée passe très vite. Il est déjà 11 heures. C'est le moment de rentrer à l'école pour la pause déjeuner.
Pour l'après-midi, nous quittons le gymnase des Huches pour la bibliothèque municipale. Dans un premier temps, les enfants partent en deux farandoles dans une déambulation entre les rayonnages en suivant la gestuelle du guide. Les enfants doivent imiter le même geste que le leader du groupe. Cela ressemble à des marches vues dans les ballets de Pina Bausch, comme dans le film "Pina" de Wim Wenders, mais cette fois en version silencieuse.
Pina Bausch - "Seasons march" (Extrait de "Pina" de Wim Wenders)
C'est une façon différente de regarder et de vivre une bibliothèque, comme un espace de jeu et de découverte. La bibliothèque devient vivante, animée. Même si le silence reste de mise (en théorie, car pour certains élèves, c'est un mot compliquée à mettre en pratique), ces mouvements géométriques de groupe permettent de se faire une idée de l'agencement de l'espace.
C'est d'ailleurs le sujet du travail suivant : reproduire sur une petite feuille de papier l'organisation spatiale de la bibliothèque comme si on la voyait du plafond. Les résultats sont plutôt intéressants avec l'apparition de détails bienvenus et la reproduction des lignes géométriques des rayonnages (parallèles et perpendiculaires).
Plan de la bibliothèque par Selma
Ensuite, Nathalie invite les enfants à réfléchir ensemble sur les verbes qui disent les actions du corps sur des objets ou d'objets eux-mêmes, à partir d'exemples de gestes qu'elle leur propose : froisser, lâcher, lever, porter, gonfler, dégonfler, tomber... Elle demande aux enfants comment le corps pourrait les exprimer seul, sans l'objet. C'est une recherche pleine de sens car tous ces gestes que les enfants proposent peuvent être utlisés dans leur création chorégraphique. Ils écriront d'ailleurs deux ou trois courtes phrases sur une feuille pour préciser ces idées.
Visionnage d'une vidéo de danse contemporaine
Pour achever cet après-midi riche en activités, la classe se retrouve devant l'écran d'un ordinateur pour regarder quelques pièces dansées de grands chorégraphes de danse contemporaine. Là où on constate que les enfants sont maintenant entrés dans ce monde artistique, c'est que personne ne semble étonner de ce qu'ils voient. Bien au contraire, ils font des remarques judicieuses sur ce qu'ils regardent, sur ce qu'ils ressentent. Nathalie et Julie leur demandent d'argumenter leurs propos, de préciser les détails qui leur font penser à ceci ou cela. C'est un moment fort d'échanges autour des créations de Mary Wigman, Anna Teresa de Keersmaeker, Merce Cunningham ou Pina Bausch.
Danst Rosas, Anne Teresa de Keersmaeker 1
Merce Cunningham- Beach Birds for camera (1993)
Il est déjà 15h30. C'est le moment de regagner l'école.
Demain est un autre jour, un autre jour de danse. Chouette !!!
L'album-photos de la journée
Mercredi 7 mai 2014
La matinée commence naturellement par un échauffement corporel, la base de tout atelier danse. Des jeux y sont associés en lien au rythme, comme s'allonger et se relever sur un nombre de temps donnés. Ainsi les enfants associent une action dans le cadre de variations de durée. Cela permet aussi de décomposer un mouvement avec la conscience de ce qui est fait.
Les exercices plus complexes réalisés les jours précédents sont refaits avec quelques améliorations notables. Le travail est beaucoup axé sur le mouvement et le déplacement, en roulant comme un ballon par exemple. L'esprit créatif des enfants permet de trouver quelques idées très originales comme Chloé qui se transforme en boule presque sphérique, en se tenant les doigts de pieds avec les mains, la tête rentrée vers l'intérieur du corps. Cela donne une chouette traversée comme un ballon qui roule sur le sol.
La notion d'espaces différenciés est aussi abordé avec pour chacun d'eux des déplacements différents et complémentaires. Cela donne de jolies chorégraphies individuelles ou collectives. Le fait que la classe soit partagée en deux groupes (danseurs et spectateurs) permet aussi d'affiner les premiers gestes trop rapides ou pas assez précis.
Voyage dans l'espace interstellaire
Regarder, observer avant d'agir est une bonne école. Les images parlent d'elles-mêmes. Après une première expérience retravaillée par le deuxième groupe, cela permet au premier d'être au plus près de la sensation du mouvement. Ce mouvement justement peut partir d'une phrase-consigne, à l'inverse du jeu de la veille dans lequel le jeu corporel permettait d'explorer les verbes d'action.
Phrase-consigne : Courir à la vitesse de la lumière
Ainsi la palette de possibilités s'enrichit pour les enfants dans la quête de leur chorégraphie pour le spectacle de vendredi. Les premières présentations (pas forcément encore abouties) sont faites en fin de matinée devant l'ensemble de la classe. Certaines ont déjà belle allure. Elles sont superbes à regarder. Onze heures s'affichent déjà sur le cadran de l'horloge du gymnase des Huches. Il est temps de rentrer vers l'école, non sans avoir précisé auparavant quelques points pour la dernière journée de cette classe danse contemporaine, et sur le spectacle en particulier.
Vendredi sera un autre jour, une autre jour de danse. Ce sera le dernier jour de ce beau projet avec Art Danse. Mais il sera... Et c'est tant mieux.
Vendredi 9 mai 2014
Vendredi, dernier jour de ce projet long de danse contemporaine avec Art Danse. Journée excitante autant pour la continuation du travail en cours que pour le spectacle du soir.
La matinée au gymnase des Huches commence par le traditionnel échauffement, des jeux de mise en condition du corps, des déplacements sur l'espace, des reproductions de gestuelles proposées par les enfants avec des accents pour leur donner plus de force et de prestance, des enroulements du corps quand celui-ci se plie ou se déplie dans des durées précisées par les danseuses.
Puis on en vient au plus important : la finalisation des chorégraphies pour le spectacle du soir. Nathalie et Julie prennent en charge les groupes qui ont du retard dans leur projet tandis que l'enseignant et Jenny Biron (de Art Danse) s'occupent des quatuors pour lesquels il ne reste que des détails à préciser.
Ainsi, avant le retour pour l'école, tous les groupes auront été supervisés par les deux animatrices danse. Tout est prêt pour les deux filages de l'après-midi, d'autant plus que Valérie, la vidéaste commence à installer le matériel de projection avec les services techniques de la mairie.
Pour les enfants de la classe, il reste à présent à écrire les textes de présentation qui précèderont le spectacle. Pour cela, les élèves retrouvent la classe pour une demi-heure en début d'après-midi. Etrange sensation que de rentrer dans cette salle que les enfants n'ont plus intégrée depuis le début de la semaine. Il y a peu de temps pour travailler, il faut être efficace. Aidés d'une fiche technique rappelant les points essentiels de chaque demi-journée, les groupes écrivent rapidement en trois ou quatre phrases courtes ce qui a été fait durant la semaine.
Vers 14 heures, la classe reprend la route du gymnase des Huches. Il reste peu de temps pour tout finaliser avant le spectacle. La fin d'après-midi est organisée en quatre temps : d'abord le visionnage du film qui sera projeté aux parents le soir, l'explication aux enfants de l'organisation du soir (en fait, un filage technique du spectacle), puis deux répétitions générales pour assurer que tout soit clair.
Puis c'est le retour à l'école. Rendez-vous est pris pour 17h30-17h45 au Gymnase, un quart avant le spectacle, pour se retrouver tous ensemble avant l'entrée des parents dans la salle.
Quand ces derniers sont bien installés, c'est le moment de quelques petits discours d'explication et de remerciement, puis le spectacle commence : le film d'abord, les textes des enfants puis la danse.
Les élèves ont compris l'importance de la tenue face au public, l'enchaînement des chorégraphies est net et précis. Pour le spectacle, la danse est accompagnée d'une musique décalée un peu jazzy écrite par un bassiste ami des adultes qui encadrent le projet. Cela donne une atmosphère très prenante. Les chorégraphies prennent une dimension supérieure et très dense. C'est émouvant de voir ces enfants qui ne connaissaient rien de la danse contemporaine se mouvoir ainsi sur cet espace très grand avec une aisance incroyable, après seulement trois jours et demi de pratique de la danse.
Voilà ainsi une belle semaine qui se termine. Lundi sera un autre jour, un jour sans danse. Elle restera dans les têtes, dans la mémoire qui fait la vie d'après, dans la chair, dans nos textes et sur les images.
Un grand merci à Julie et Nathalie, les deux danseuses qui ont accompagné les enfants toute la semaine, à Valérie, la vidéaste qui a su capter dans les images cette approche très sensitive du travail des enfants, à Jenny Biron de Art Danse qui a supervisé le projet en relation avec Mathilde et Lucie, des services techniques de la mairie.
Il est fort à parier que cette expérience de la danse contemporaine marquera les enfants pour longtemps.
L'album-photos couleurs
et l'album en noir et blanc
Lien avec le site Produktion Babel sur lequel apparaissent des images de la classe danse contemporaine
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